La rupture : enjeu stratégique face à la digitalisation

source : les echos

Les retailers bousculent leur positionnement historique pour rester dans la course. On entend parler depuis plusieurs années de digitalisation et de multicanal, deux activités auxquelles les retailers ne peuvent échapper. Bien évidemment, le tsunami e-commerce est passé par là et les enseignes historiques n’ont eu d’autre choix que de se moderniser pour « espérer » contrer les nouveaux acteurs numériques.

Le problème est que tous n’ont pas pris le virage du digital à la même vitesse. Certains y ont répondu rapidement à coups d’alliances stratégiques ou de lourds investissements digitaux, d’autres ont pris le temps de voir comment le marché allait évoluer avant de sauter le pas, enfin certains irréductibles ne jurent (enfin, ne juraient) que par le bon vieux magasin « à papa » associé à une image de marque très ciblée ou un capital sympathie vieillissant.

Le résultat ? De grands noms du retail cloués au pilori, de grands groupes en réelle difficulté, des enseignes autrefois intouchables obligées de mettre la clé sous la porte. Pour les retardataires du numérique, l’innovation, les lourds investissements et l’huile de coude ne suffisent plus.

La rupture est désormais la seule réponse possible !

Moderniser ou réagencer son réseau de points de vente n’est plus suffisant pour développer son activité de façon pérenne. La rupture signifie prendre un virage radical, savoir se remettre en question et prendre des orientations stratégiques globales ambitieuses et parfois à contre-courant de son positionnement historique. La rupture touche à l’identité même des enseignes et a pour objectif de réorienter en profondeur les décisions stratégiques de l’enseigne, dans son intégralité. Le mot d’ordre : l’agilité en continu !

2010, Alexandre Bompard prend les commandes du Groupe FNAC alors que l’enseigne subit de plein fouet l’émergence du digital et du e-commerce. Le Groupe est alors au bord du gouffre et ses principaux concurrents sont Amazon et Google. « Qui achète encore des CD et des DVD ? » Alexandre Bompard se donne alors 5 ans pour redresser la situation financière : c’est le projet « FNAC 2015 ». 5 ans après, et après plusieurs années de baisse de chiffre d’affaires, le Groupe FNAC sort la tête de l’eau en stabilisant ses résultats à 3,9 milliards d’euros en 2014. Aujourd’hui, l’enseigne se porte bien mieux et peut de nouveau avoir une vision positive du futur. Qu’a bien pu faire Alexandre Bompard pour inverser la tendance en si peu de temps ? La rupture !

Le Groupe s’est « repensé », « ré-imaginé » et a su prendre les décisions drastiques nécessaires pour inverser la tendance. Développement de l’omnicanal et mise aux bonnes pratiques du site marchand fnac.com, développement de nouvelles offres « inattendues » dans ses points de vente (papeterie, jeux & jouets, petit électroménager, objets connectés…), développement de la vente de téléphonie mobile sans engagement… D’autres l’ont fait et ne s’en sont pas aussi bien sortis. Alors quoi de plus ?

La rupture pour le Groupe Fnac a réellement eu lieu lors du développement de franchises, la création de nouveaux concepts de proximité (Fnac Connect), l’internationalisation de son activité et la signature de partenariats forts avec Intermarché notamment. On est effectivement loin de l’image du « disquaire élitiste » des années 2000.

Le cas du Groupe Fnac est un très bon exemple de rupture : savoir se remettre en question, étonner, innover, aller là où ne l’attend pas, penser global et agile.

Il existe de nombreux autres exemples de grandes enseignes ayant effectué un virage à 90 degrés pour relancer ou développer leur activité : Darty qui devient successivement opérateur téléphonique et cuisiniste, Monoprix qui se lance sur le segment de la beauté avec Monop’Beauty, Géant Casino qui réinvente le discount de masse au sein de ses points de vente ou encore BUT qui veut se défaire de son image « low cost » en repensant l’intégralité de sa communication et de son merchandising.

La rupture va bien plus loin qu’un simple coup de peinture et le changement de la police de caractère de son logo. La rupture est, dans de nombreux cas, une question de survie qui doit faire l’amalgame entre image, surprise, alliances, conjoncture, innovation, courage… et agilité. Les enseignes doivent savoir se mettre en danger pour mieux rebondir. Le Groupe Fnac l’a parfaitement démontré et a su tirer les enseignements de ses erreurs passées.

La rupture ne touche pas indépendamment le merchandising ou les achats ou l’innovation produit… Elle touche violemment tout le monde, en même temps. Pour être efficace, elle nécessite une profonde remise en question et le développement de pratiques internes telles que la collaboration et l’agilité. Il existe des outils conçus pour aider les retailers à passer ce cap fatidique en optimisant les échanges, en industrialisant les process, en développant la collaboration, en favorisant les arbitrages temps réel…