Quels sont les nouveaux usages du mobile en point de vente ? Comment le mobile peut-il booster les ventes et renforcer l’expérience client ? Les réponses de Bertrand Jonquois, Administrateur de la Mobile Marketing Association France et Rapporteur de la commission Commerce mobile et Anh-Vu Nguyen, responsable du groupe de travail sur les Interactions mobiles en points de vente.
LSA : La majorité des Français affirme utiliser leur mobile en point de vente : mais cette utilisation a-t-elle vraiment un impact « commercial » ?
Bertrand Jonquois et Anh-Vu Nguyen : De nombreuses études confirment que le mobile est désormais le “chaînon manquant” entre le digital et le point de vente. Globalement, les consommateurs souhaitent se rassurer en point de vente en contactant un proche, soit pour valider le prix ou les caractéristiques du produit, ou encore vont acheter le produit en ligne. Selon GfK*, les consommateurs Français utilisent leur mobile pour obtenir un conseil via un ami ou un membre de la famille (32%), pour prendre en photo des produits qu’ils sont susceptibles d’acheter (26%), pour comparer des prix (24%). Des actions suivies par l’achat en ligne via une application ou un site dans 19% des cas.
LSA : Quels sont les nouveaux usages possibles du mobile en point de vente ?
B. J. et A.-V. N. : Au-delà des habitudes préférées des Français citées précédemment, certains usages sont liés à la multitude de nouveaux services lancés ces cinq dernières années, comme les applications d’enquête en point de vente (Clic and Walk ou Roamler) qui permettent aux consommateurs de gagner des récompenses en vérifiant les placements de produits, les services de fidélisation de consommateurs « à la visite » (STEP-IN), ou encore les applications de coupons/promotions (Shopmium).
Le mobile peut aussi servir de « porte-carte de fidélité digital » grâce aux applications d’enseignes intégrant un programme de fidélité, ou aux agrégateurs de cartes comme Fidme et Fidall.
Enfin, de nombreux usages naissent grâce aux technologies d’interactions en magasin (beacon, QR code, NFC…) qui sont en plein essor depuis un peu plus d’un an, et qui permettent aux consommateurs de recevoir en « push » ou d’aller chercher en « pull » des informations personnalisées et contextualisées lors de leur shopping.
LSA : Et pour un distributeur ?
B. J. et A.-V. N. : Pour les marques et les enseignes, le mobile est un formidable outil de fidélisation. Il faut saisir l’opportunité de la visite d’un client en point de vente pour entamer un dialogue en prenant évidemment soin de lui demander son consentement préalable. Les marques et les enseignes peuvent par exemple utiliser le numéro de mobile pour envoyer au visiteur des offres et bons plans, collecter ses coordonnées électroniques dans le programme de fidélité ou encore dialoguer avec lui via un beacon…
Certaines technologies, dites de “tracking in-store”, permettent au distributeur d’analyser les flux de visiteurs pour mieux comprendre les comportements des consommateurs.
LSA : Justement, comment attirer le client dans mon point de vente grâce au mobile ? Et ce sans être trop intrusif ?
B. J. et A.-V. N. : Il existe de nombreuses solutions mobiles de génération de trafic en point de vente. Le SMS, la push notification, les beacons peuvent attirer un client en magasin, le mobile restant un canal privilégié pour communiquer la bonne offre, au bon moment et à la bonne personne.
L’enjeu pour les enseignes est donc double : choisir le canal de diffusion le plus adapté au consommateur en fonction de ses préférences et lui proposer une typologie ainsi qu’une fréquence de messages qui lui correspondent. Dans tous les cas, le consommateur devra être en capacité de modifier ses préférences à tout moment.
L’approche publicitaire (campagnes de drive to store, retargeting d’audiences physiques) couplée à certaines technologies d’interaction in-store nous semble aussi intéressante puisqu’elle ne surexpose pas le consommateur et exploite des espaces publicitaires déjà prévus à cet effet. Libre ensuite au consommateur de regarder ou de cliquer sur la publicité qui lui est proposée. Cette approche permet également à la marque ou à l’enseigne de mesurer l’impact sur les visites générées en point de vente.
« L’enjeu pour les enseignes est donc double : choisir le canal de diffusion le plus adapté au consommateur en fonction de ses préférences et lui proposer une typologie ainsi qu’une fréquence de messages qui lui correspondent. ».
Bertrand Jonquois et Anh-Vu Nguye, MMAF
LSA : Est-ce un vrai levier en termes de vente ?
B. J. et A.-V. N. : Toutes les études montrent que les consommateurs sont très attachés au commerce en point de vente : 90% des ventes au détail s’effectuent en magasin. Les Français sont également très sensibles aux programmes et aux cartes de fidélité. Ils apprécient les promotions, les offres exclusives, les ventes privées ou les invitations personnalisées. Le mobile peut permettre de créer cette proximité entre la marque, l’enseigne et le consommateur. Bien utilisé, oui, c’est un véritable outil pour développer les ventes en magasin.
LSA : Beacon, RFID, NFC… Comment s’y retrouver parmi toutes les technologies existantes ?
B. J. et A.-V. N. : Il est vrai qu’il existe aujourd’hui une multitude de technologies pour interagir avec un mobinaute en magasin. Chacune d’entre elles possède ses propres caractéristiques, usages et freins. Il convient alors pour le Directeur Marketing de bien se renseigner sur ces dispositifs et leurs avantages/inconvénients.
LSA : L’usage du téléphone mobile en point de vente peut-il vraiment mieux m’aider à connaître mon client ?
B. J. et A.-V. N. : Oui, l’usage du téléphone mobile en point de vente est une formidable opportunité de connaissance et de fidélisation pour les marques et les enseignes. Il est évidemment beaucoup plus simple de collecter un numéro de mobile en caisse qu’une adresse électronique ou une adresse physique.
D’autre part, les technologies d’interactions in-store via le wifi ou le beacon permettent de capter et analyser le comportement des consommateurs présents en point de vente. Nombre de visites, durée des visites, rayons/zones visitées et fréquences des visites… Autant d’informations clés sur les intentions d’achat et la fidélité du consommateur. Elles permettent à l’enseigne de générer de la connaissance client directement exploitable.
LSA : Comment exploiter de manière intelligente la donnée collectée ?
B. J. et A.-V. N. : Avant de collecter la donnée, il faut dans un premier temps identifier les points pertinents de collecte suivant la stratégie de la marque/enseigne. Il existe en effet un grand nombre de mécaniques qui ne sont pas forcément toujours exploitées. Ensuite, il convient de veiller à ce que cette même donnée soit « activable » via les canaux généralement utilisés, afin de pouvoir reprendre le contact avec le consommateur.
LSA : Quels sont les droits des distributeurs sur cette data ?
B. J. et A.-V. N. : En termes de « privacy », les distributeurs sont responsables des données qu’ils collectent et exploitent, même si cela passe par un prestataire. Il est donc de leur responsabilité de déclarer les dispositifs mis en place à la CNIL. Cette dernière donne d’ailleurs des indications sur la marche à suivre suivant le type de données utilisées. Dans les grandes lignes, le distributeur doit veiller à ce que la collecte soit « opt-in » si les données traitées sont considérées comme personnelles, ou alors anonymiser ces mêmes données si cela est possible. Dans tous les cas, un « opt-out » simple et éclairé doit être mis en place pour permettre aux consommateurs de se désabonner ou stopper la collecte, sur leur smartphone ou sur le lieu de vente.
Enfin, il convient bien entendu d’informer les consommateurs des dispositifs mis en place.
« Les distributeurs sont responsables des données qu’ils collectent et exploitent, même si cela passe par un prestataire. »
Bertrand Jonquois et Anh-Vu Nguyen, MMAF
LSA : Un exemple d’intégration particulièrement réussie en France ?
B. J. et A.-V. N. : Primé à la Nuit des Rois 2016 en catégorie Drive-to-store, Picard s’appuie sur la solution mobile de Carving Labs pour générer du trafic en magasin et inciter les clients à utiliser leurs coupons de réduction. C’est un bon exemple d’innovation récente et réussie sur le marché français.
LSA : Quels sont les enjeux de 2016 pour les enseignes ?
B. J. et A.-V. N. : L’équipement, tout d’abord : choisir la ou les technologies adaptées à leurs besoins et les déployer sur tout ou partie de leur réseau de points de vente. Nous observons également une forte croissance des budgets de publicité mobile qui, couplée à la bonne techno de tracking in-store, permet d’analyser les comportements, mais aussi de mesurer le ROI des campagnes et donc rassurer le retailer sur ces nouveaux investissements publicitaires.
Enfin, il existe un réel enjeu autour de la mise en place d’outils de stockage et d’analyse des données collectées par ces dispositifs, type DMP (ou Data Management Platform) pour exploiter au mieux cette mine d’or d’informations.
Source : LSA, avril 2016