Leclerc et Rewe : « Nous sommes en train de créer l’Airbus de la distribution »

E.LECLERC accélère à l’international : création d’une structure d’achats commune Eurelec avec l’allemand REWE (15000 points de ventes) ! Plus qu’une centrale d’achats, un rapprochement stratégique de deux géants.

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Quand deux géants de la distribution issus du monde coopératif décident d’une alliance stratégique… Michel-Edouard Leclerc, président des ­centres E.Leclerc, et Alain Caparros, à la tête du groupe allemand Rewe (51 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 15.000 points de vente dans 12 pays), ont lancé cet été leur centrale d’achats commune. Une structure qui cache en réalité un partenariat plus vaste. Les deux hommes de tempérament, qui avaient fait échouer un premier ­rapprochement en 2013, semblent cette fois vouloir s’allier dans la durée. Ils expliquent pourquoi dans une interview aux « Echos ».

Vous venez de créer Eurelec, une centrale d’achats commune. Comment cela s’articule-t-il avec Coopernic, la centrale européenne à laquelle vous appartenez déjà ?

Michel-Edouard Leclerc : Coo­pernic est une coopérative qui regroupe Ahold-Delhaize, Coop ­Italia, Rewe et E.Leclerc. C’est une centrale de référencement qui offre à nos grands fournisseurs des prestations commerciales pour presque tous les pays d’Europe. On y négocie « on top ». Coopernic a permis à nos groupements de se mettre à niveau des EMD, AMS, Carrefour World Trade qui nous avaient ­précédés. Depuis 2015, parallèlement à d’autres accords bilatéraux (Coop Italia), nous avons réfléchi à la construction d’une alliance stratégique et durable avec Rewe. Alain Caparros nous a proposé de rapprocher nos deux groupes d’indépendants pour échanger nos bonnes pratiques sur une vingtaine de chantiers. Eurelec est l’aboutissement concret de ce projet.

Alain Caparros : Eurelec Trading est basé à Bruxelles. Nous sommes en train de recruter les équipes. C’est une société d’achats coopérative dont la vocation est de simplifier la relation avec nos grands fournisseurs internationaux, un interlocuteur unique, une facturation unique, un seul paiement. Mais nos politiques commerciales resteront distinctes et chacun utilisera à sa guise les gains réalisés à l’achat. Puisque la structure est coopérative et sa fonction limitée, sa création n’est pas subordonnée à l’autorisation des autorités chargées de la concurrence, à l’exception de la Pologne et de l’Autriche, qui ont donné leur accord sans réserve.

M.-E. L. : Nous raisonnons comme nos grands fournisseurs mondiaux dans le domaine des approvisionnements. E.Leclerc était peu présent à l’étranger. L’alliance avec Rewe nous apporte la dimension qui nous manquait pour être aussi compétitif à l’achat que des Walmart, Tesco, Metro ou demain Amazon. Eurelec a vocation à acheter des produits, mais aussi des prestations, comme le fret maritime, par exemple.

On comprend que les gains à l’achat permettent d’alimenter la guerre des prix en France. Qu’en est-il outre-Rhin ?

A. C. : L’Allemagne est au centre de l’ouragan. Le marché est dominé à 80 % par quatre acteurs, les deux discounters Lidl et Aldi, l’enseigne Edeka et nous, qui sommes le plus petit des quatre. La guerre des prix est permanente. Elle conduit à détruire de la valeur. A cela s’ajoute le fait qu’étant confrontés à une ­stagnation de leurs ventes, les discounters ont élargi leur assortiment avec des marques. Comme chaque Allemand va chez Aldi ou Lidl, tout nouveau référencement conduit à des pertes de part de marché chez nous. Nous y avons répondu en étant plus agressifs sur les produits d’appel et en lançant des services attrayants. Cela marche puisque l’on progresse de 3 % à 5 % par an.

Avez-vous le sentiment, avec votre rapprochement, de favoriser le devenir de ce que l’on désigne plus généralement par le « couple franco-allemand » ?

A. C. : Je suis exaspéré quand j’entends comment certains représentants politiques français parlent de l’Allemagne. C’est un pays fabuleux avec une population jeune très consciente de son passé. L’appel d’air lancé par Mme Merkel envers les réfugiés démontre que l’Allemagne d’aujourd’hui n’a rien à voir avec l’Allemagne d’hier. La chancelière est du bon côté de l’histoire. Evidemment, dans le privé, on cultive des différences dans la manière de gérer les affaires. Mais, au final, on travaille très bien ensemble.

M.-E. L. : Notre mouvement a été pionnier pour le passage à l’Euro. Nous croyons fortement au pilier franco-allemand. Dans une période de doute à l’égard des institutions, je trouve stimulant que des chefs d’entreprise créent un « Airbus de la distribution » et donnent ainsi corps à une Europe concrète qui bénéficie aux consommateurs.

 

Source : altaviawatch.com