Re-imaginer le commerce grâce au phygital

Et ainsi, remettre le client au centre des stratégies. Doucement au fil du temps, de l’apparition de nouveaux formats de surfaces de ventes, de la mise en place d’ innovations digitales ou de la naissance de modèles vraiment disruptifs, l’offre et les attentes clients se sont éloignées alors que les distributeurs pensaient les rapprocher. Car si pour 80% des entreprises leur service client est impeccable, seuls 8% des consommateurs partage cet avis (ipsos). Réactiver la connexion au client et pas simplement la connexion du magasin aux technologies comme beaucoup l’ont fait dans les magasins physiques est donc l’enjeu majeur pour inventer le magasin de demain …  

La transformation digitale a indéniablement mis fin aux cloisonnements et à la transgression des lignes de fractures. On les croyait infranchissables il y a peu encore et voilà qu’aujourd’hui, elle s’étend à tous les secteurs, à commencer par celui du commerce physique.

L’IoT (Internet des Objets) est en train de révolutionner l’ensemble des industries et des services. La digitalisation d’un point de vente (PdV) doit découler de la stratégie globale de l’entreprise et doit accompagner le client tout au long de l’expérience d’achat. Les magasins physiques deviennent alors des environnements efficients et connectés au service d’une stratégie globale digitale et omnicanal, pour une offre plus adaptée, presque personnalisée. La digitalisation permet d’offrir une nouvelle expérience client basée sur la personnalisation et sur l’interactivité. Manifester à l’attention du consommateur de l’écoute, de l’empathie, de la proximité, c’est le fidéliser et pérenniser le lien avec lui.

Les magasins deviennent ainsi des actifs intelligents, avec des étiquettes intelligentes, des linéaires et des gondoles intelligentes, des caméras de sécurité intelligentes, une infrastructure de connectivité universelle (WiFi, IoT, NFC, BLE Beacon…) permettant de capturer, d’échanger, d’enrichir (Crowdfunding Data) et d’analyser une multitude de données.

Dans un magasin physique connecté, tout doit être tracé, analysé et optimisé. Concrètement, il est aujourd’hui possible de savoir en temps réel quels produits sont, ou ne sont pas, en linéaire et en stock, quels clients sont en magasins et ce qu’ils recherchent. Ces informations basiques mais fondamentales changent tout en matière d’efficacité opérationnelle, marketing et commerciale du point de vente.

Une partie des tâches de la supply chain (achats, approvisionnements…) sont automatisables et gérables à distance. Les magasins vont pouvoir en particulier réduire considérablement les ruptures, les gaspillages, les coûts humains et les sur-stocks liés à des politiques de prix insuffisamment réactives et adéquates. Le CA/m2 (chiffre d’affaire par m2) sera optimisé par une analyse et une optimisation permanente des assortiments, du merchandising et du réassort.

L’apparition de nouveaux formats

La distribution physique restera au cœur du commerce de demain, mais deviendra réellement complémentaire des autres canaux de distribution (e-commerce…) et d’interactions (réseaux sociaux…) avec les consommateurs, tant sur le plan du mode de consommation que sur l’offre et l’assortiment des produits et des services.

Plus besoin de stocker l’ensemble des produits en magasin puisqu’il est facile et rapide d’acheter en ligne les produits courants et de se faire livrer les produits exposés mais non stockés. C’est ainsi que l’enseigne Décathlon teste un nouveau concept de surface de vente où la totalité de ses produits est présentée uniquement pour commander.

Les groupes de distribution doivent remettre le client au centre de leurs stratégies commerciales. Car si 80 % des entreprises pensent offrir un service client impeccable, les consommateurs sont juste 8 % à partager cet avis (Ipsos Loyalty). La marge de progrès est donc immense. Le magasin physique devra alors concentrer son espace sur le « Customer Journey » : innovation, découverte, conseil, expérience client et service.

Malgré une révélation tardive contre toute apparence, les réseaux de distribution se reconfigureront de plus en plus dans une logique multi-formats où la proximité va prendre le pas sur la taille, pour plus d’efficacité économique (CA, rentabilité, marges). Ainsi, chaque mètre carré va générer plus de chiffre d’affaires direct (magasins) ou en ligne (e-commerce). La proximité ne sera plus une dimension physique, mais un impératif marketing, un principe a priori de la raison commerciale. Bref, les stratégies de cross-canal deviendront une préoccupation forte chez les distributeurs.

L’importante transformation des business models

Sur internet, faire cliquer un client/prospect sur une page présentant un produit est synonyme de revenu. Mais l’équivalent dans le monde réel, faire venir un consommateur dans un rayon et devant un produit, ne rapporte rien au magasin. Où est donc la logique ? Pourtant le taux de transformation d’une visite en achat y est bien supérieur à internet.

Cela va changer rapidement. Les dépenses publicitaires des marques vont continuer à se rapprocher de l’acte d’achat, c’est à dire du magasin, pour plus de précision et d’efficacité. Et si les distributeurs digitalisent leurs linéaires, ils feront de chaque gondoles un support publicitaire digital comme JC Decaux l’a fait pour chaque Abribus. Les magasins deviennent alors des ambassadeurs de précision à grande échelle pour les marques.

Le phénomène ROPO (Research Online, Purchase Offline) pour « Recherche en ligne, Achat en Magasin » a plus que jamais les faveurs des consommateurs. La comparaison et le choix même du produit est opéré par 69% des Français sur Internet où l’accès à l’information est facilité (Etude Fevad, Chiffres clés 2016). De la même manière, le gain de temps lié à l’achat en ligne et au retrait en boutique sont autant de raison qui poussent les internautes à entrer de nouveau dans les magasins physiques. Là où Internet était considéré comme une concurrence pour les commerçants, il intervient aujourd’hui comme une aide à la vente et permet aux magasins de mieux cibler les attentes des consommateurs. Et ce n’est pas tout ! En développant la connectivité avec le consommateur en point de vente, les magasins vont devenir une source considérable de données clients : la prochaine grande bataille du digital (usages) et du numérique (technologies) va ainsi se jouer dans les magasins.

L’optimisation de l’ensemble de la chaîne de valeur

Les enseignes ont pris conscience des nouvelles attentes de leurs clients, et surtout que le numérique leur permettait de répondre à ces besoins. L’irruption du point de vente physique, c’est-à-dire des dizaines de millions de magasins qui concentrent encore 90% des ventes de détail dans le monde, sur la scène du Big Data n’est pas un événement anodin. C’est une révolution qui va massivement réduire les coûts de toute la chaine FMCG – Distributeurs et changer la collaboration entre les industriels et les distributeurs.

Il ne sera plus nécessaire d’envoyer des d’inspecteurs dans les magasins pour savoir combien de facings de tel ou tel produit sont bien en rayon. L’information sera disponible en ligne, de même que les niveaux d’alertes pour éviter des ruptures et la perte de chiffre d’affaires correspondant. Les négociations entre distributeurs et fournisseurs seront basées sur des données en temps réel, précises et exhaustives.

Enfin, la nouvelle donne publicitaire et promotionnelle liée au digital en rayon permettra une efficacité de ciblage sans précédent et une optimisation des dépenses des marques, tout en apportant de substantiels compléments de revenus aux distributeurs.

Une nouvelle ère pour les magasins physiques

Investir dans la digitalisation d’un point de vente permettra de séduire et de fidéliser une nouvelle clientèle, mais sera surtout une véritable opportunité pour renouveler l’offre produits et services et se démarquer ainsi de la concurrence. La digitalisation du point de vente est une conséquence de l’essor de la vente en ligne. Grâce à tous les bénéfices du digital et du numérique, les PdV physiques vont redevenir des actifs rentables pour les distributeurs. Les basiques fondamentaux du commerce physique vont devenir primordiales à nouveau.

Dans l’expérience client, la satisfaction du consommateur commence souvent par la satisfaction fonctionnelle : identification du client, délai d’attente réduit ou obtention d’une réponse adaptée. Depuis toujours les enseignes ont appris à écouter les consommateurs, à concevoir des assortiments, à acheter des produits, à approvisionner des points de vente, à identifier et à contracter les meilleurs emplacements, à mettre en scène une offre de manière attractive, à promouvoir et vendre.

La combinaison de l’humain et du numérique offre ainsi de nouvelles opportunités d’engagement du consommateur. A mesure que les magasins embrassent les nouvelles technologies et les canaux digitaux, leurs savoir-faire vont retrouver tout leur pouvoir différenciant et consacrer la victoire des distributeurs « Brick & Mortar » dans un monde omnicanal.

Bienvenue dans le phygital.

C’est la convergence entre commerce physique et digital. Le commerce de demain sera omnicanal. Les « Pure Players » vont décliner, voir disparaître, à moins qu’ils deviennent aussi des distributeurs omnicanaux et développent leurs propres réseaux de points de vente, ce que beaucoup ont commencé à faire (Amazon, Alibaba…).

Le commerce devient alors transgressif. Après le physique, puis le digital, viendrait donc l’ère du « phygital ». L’histoire était pourtant loin d’être gagnée d’avance. Que n’avons-nous entendu sur la fin inexorable de la boutique de proximité du centre-ville ou sur celle du centre commercial, appelés à être supplantés par des sites commerçants dématérialisés abolissant la distance, accessibles en permanence et assurant la livraison au choix du consommateur.

Tout concourt donc à la convergence de ces deux modes de distribution. Les anciens « Pure Players » entendent bien tirer parti du meilleur de chacun des modèles, quitte à inventer un commerce de troisième type. Une évolution qui est loin d’être achevée aujourd’hui car nous ne sommes qu’à l’aube de cette mutation. Cette convergence « phygitale » va être le moteur d’une nouvelle vague de consolidation majeure dans le secteur de la distribution. D’une part entre distributeurs « Brick &Mortar » et « Pure Players », une vague qui a déjà largement commencé mais qui va s’accélérer, et d’autre part au sein même des 250 premiers distributeurs mondiaux. En effet, pour la première fois dans l’histoire de la distribution, l’émergence de véritables distributeurs omnicanaux va créer la possibilité d’économies d’échelle au niveau national, régional et même mondial, dans un secteur resté encore assez local.

Inventer le magasin de demain véritablement connecté. Pas seulement connecté à des technologies (outils ou internet), mais aussi connecté à ses clients. Au point d’en faire des membres fidèles et des ambassadeurs. Il s’agit de réinventer la carte des liens et de l’émotionnel. C’est le grand défi à venir. Nous allons peut-être faire une véritable rencontre du troisième type et voir émerger une « nouvelle espèce phygital » de distributeurs globaux.

 

Source : Journal du Net