S’adapter aux nouvelles attentes du consommateur. La chose parait être une évidence mais au quotidien on se rend compte que c’est plus compliqué à traduire sur le terrain. Si tout le monde a intégré l’existence la fameuse ménagère de moins de 50 ans si chère aux spots TV des années 80, le retail n’arrive pas à se transformer pour répondre aux attentes des nouvelle ménagères de 2018 : Les Millennials et leurs habitudes “so web”, “so mobile” … : usage de la technologie, personnalisation, instantanéité, plaisir qui ne sont pas basés exclusivement sur le prix vont caractériser leurs comportements. La révolution est désormais dans la demande et non plus dans l’offre qui a formaté toutes les équipes terrain du retail depuis 1963. Le boss de TARGET reconnait d’ailleurs avec humilité (et c’est rassurant) que leur business modele n’est plus vraiment en adéquation avec les attentes de leurs clients …
Le salon Shoptalk 2018 dont la troisième édition se tenait la semaine dernière à Las Vegas a été riche d’enseignements. Frank Rosenthal expert en marketing du commerce en a isolé 5 d’entre eux pour LSA, en s’appuyant notamment sur les interventions remarquées des patrons de Target, Macy’s, Ocado, Jet.com, Bonobo’s et Amazon Go.
Le salon Shoptalk 2018 dont la troisième édition s’est tenue du 18 au 21 mars à Las Vegas a été riche d’enseignements. Plus de 8350 visiteurs étaient présents (dont plus de 700 CEO), représentant 3000 entreprises pour assister à cet évènement devenu en trois ans le grand challenger du Retail’s Big show de la NRF à New York. Cette année, on pouvait choisir parmi plus de 300 speakers. Globalement, le salon Shoptalk a confirmé la profondeur et rapidité des évolutions du retail. Le changement radical touche tout le monde des plus gros acteurs aux nouveaux venus et ce n’est que le début, tant on a pu voir au fil des conférences les enjeux de l’intelligence artificielle et des assistants vocaux. Apres 4 jours de conférence et après avoir écouté 63 speakers, voici quelques enseignements (non exhaustifs) à retenir :
1. Plus que jamais, il est nécessaire de s’adapter aux nouvelles attentes des consommateurs
David Jaffre, Chairman et CEO de Ascena Group très présent dans le textile, avec notamment DressBran, Ann Taylor ou encore Lane Bryant, s’est livré à l’exercice d’énumérer les changements concernant les attentes des clients. Il en relevé 6 :
1. La personnalisation « Reconnaissez moi et comprenez-moi »
2. La précision « je veux le produit que j’ai choisi »
3. La transparence « je veux savoir ce que j’achète »
4. La valeur (value) « Je le veux à un bon prix »
5. Le plaisir de l’expérience d’achat (entertaining) « Je ne veux pas avoir le moindre ennui, la moindre difficulté »
6. La rapidité « je le veux tout de suite, maintenant »
Zia Daniell Wigder, la patronne des contenus de Shoptalk a défini, elle, l’ère dans laquelle le retail se trouve, nommée « new normal » qui se caractérise par le fait que l’innovation n’est plus entre les mains d’une minorité d’acteurs et que le grand public s’en empare très vite. Puis, elle a défini les principaux changements de cette ère du « new normal » : 1- Les améliorations apportées par la technologie; 2- Un alignement de plus en plus rapide entre start-up et acteurs traditionnels; 3- Des attentes de plus en plus fortes sur l’expérience client; 4- Une vague de nouveaux produits et de nouvelles marques qui vont être adoptés très rapidement par le grand public.
Enfin, concernant cette analyse des changements, Chieh Huang, le CEO de Boxed, un acteur innovant du e-commerce les a résumés en disant que la grande différence entre avant et maintenant est l’équation de la valeur. Avant, cela se résumait au prix, aujourd’hui c’est une combinaison de praticité/efficacité, de prix et de valeurs de marques.
2. Se transformer pour survivre : Target offensif
Brian Cornell CEO de Target a étonné toute l’assemblée en énumérant les changements apportés par Amazon et les principaux innovateurs et en les illustrant en une phrase : « So, what do we do », alors que faisons-nous ?
Brian Cornell, CEO de Target
Et d’avouer que le business model de Target n’était plus tout à fait en adéquation avec les attentes des clients et pourtant Cornell a rappelé qu’ils restent nombreux : plus de 30 millions par semaine. Target, suivant l’exemple de Walmart, a choisi de porter ses efforts d’abord sur l’interne avec de meilleurs salaires (avec un taux de chômage national à 4,1%, l’enjeu est important pour recruter et conserver les meilleurs), plus d’heures supplémentaires, mais aussi une exigence de service plus élevée. Brian Cornell a insisté sur son portefeuille de MDD pour faire la différence. Enfin, sur le digital, les investissements se concentrent sur 4 points :
1- La livraison. Target a insisté sur le rachat de Shipt, le grand concurrent d’ Instacart et le CEO fondateur de Shipt, Bill Smith, a pris la parole pour démontrer toutes les synergies.
2- La généralisation de la livraison gratuite en 2 jours
3- Le click and collect (store pick-up pour les Américains)
4- Le drive-up : une toute nouvelle possibilité testée à Minneapolis dans le bastion de Target (siège de Target au Minnesota) et à San Francisco. Drive-Up est une option de l’application Target qui permet de commander sur l’appli et de retirer sa commande sans sortir de son véhicule sur le parking des magasins.
3. Se transformer pour survivre : la renaissance de Macy’s
Autre distributeur américain fameux, Macy’s se transforme lui aussi sous la pression générale. Son CEO, Jeff Gennette, a d’abord insisté sur la force du réseau : 60% des Américains ont un Macy’s à moins de 10mn de chez eux. Gennette a ensuite précisé les priorités de l’entreprise qu’on peut résumer en 4 mots : inspiration, fashion (mode), clear value (perception de la valeur) great experience (excellente expérience) avec un objectif qui est d’enrichir l’expérience client. Objectif qui se matérialise par exemple par la mise en place du paiement mobile sans passage en caisse dans 50 magasins avec la promesse, Scan, Pay, Go. Une solution qu’on pouvait tester dans le magasin Macy’s situé dans le mall voisin du Venetian, lieu où se tenait le salon Shoptalk, le Fashion Show Mall (photo ci-contre).
Enfin, le CEO de Macy’s a égrenné les 3 priorités actuelles de l’entreprise : investir dans les magasins, dans la technologie et sur le personnel avant de montrer fièrement sa nouvelle campagne de marque sortie il y a une semaine et montrant le nouveau visage que Macy’s veut incarner sur la mode.
4. L’alimentaire on line attire toutes les convoitises
Les représentants de Shoptalk qui avaient décidé de mettre l’accent sur l’énorme marché de l’alimentaire en ligne ont organisé à la fois sur le salon, avec des exposants, et sur les conférences, avec une section dédiée, un chapitre particulier nommé « Grocery talk ». Comme tous les grands marchés du e-commerce, l’alimentaire on line devrait atteindre les 20% du marché en 2025, a pronostiqué L2 dans une conférence très suivie. Tim Steiner, Fondateur et CEO de Ocado a lui démontré, à coups de films et d’arguments, la performance de son modèle et sa rentabilité ainsi que l’adéquation aux attentes clients avec des taux d’exactitude des commandes supérieurs à 99%. Ocado a enfin comparé les différents modèles avec le temps passé pour la préparation d’une commande complète et c’est sans doute l’argument majeur (voir photo), le rapport étant de 1 à 5.
5. Walmart fait le point sur sa digitalisation
Marc Lore, le fondateur de Jet.com racheté par Walmart et Président et CEO de Walmart E-Commerce Etats-Unis, accompagné par Andy Dunn fondateur et CEO de Bonobos racheté par Walmart, a rappelé que toutes les acquisitions du numéro un mondial de la distribution renforçaient l’expertise et le savoir-faire digital de Walmart dans son ensemble. Malgré la correction du titre en bourse fin janvier, Marc Lore a rappelé que la croissance des activités e-commerce de Walmart était de l’ordre de 40%. « Nous tentons beaucoup de choses », a-t-il indiqué avant d’insister sur le fait que dès 2018, 40% de la population américaine pourra se faire livrer par l’enseigne.
Marc Lore a aussi expliqué vouloir compléter son portefeuille de belles marques et particulièrement dans la distribution spécialisée, tout en indiquant que le e-commerce était essentiel pour Walmart, particulièrement pour attaquer les grandes villes comme New York, San Francisco ou Chicago où la présence de Walmart est faible ou nulle. Le retailer était d’ailleurs aussi exposant à Shoptalk avec cette promesse de « changer la manière dont le monde fait du shopping ». Une promesse qui n’est pas loin de rappeler celle du grand rival Amazon.
Enfin, sur le salon on a aussi beaucoup commenté la conférence de Gianna Puerini, Vice Président d’Amazon Go qui a décortiqué le modèle de ce magasin sans caisse et indiqué comment Amazon s’attache à mesurer la satisfaction des clients avec la volonté que la shopping experience soit aussi naturelle que possible.
Mais impossible de conclure sans évoquer la Chine, omniprésente dans les conférences avec la présence devenue traditionnelle d’Alibaba et d’analystes comme Hans Tung de GGV Capital qui a rappelé que si 14 villes américaines dépassent le million d’habitants, elles sont 160 en Chine dans ce cas ! Tung a aussi fait remarquer que la Chine plaçait 5 représentants dans le top 10 mondial de la tech.
Martin Wild, Chief Innovation Officer de MediamarktSaturn a lui présenté le Saturn Express d’Innsbruck en Autriche qui fonctionne sans caisse traditionnelle.
Enfin, Daniel Alegre, Président Retail et Shopping de Google a présenté la nouvelle signature de Google pour le retail « let’s make shopping magic » qui se passe de traduction mais qu’il a commenté en indiquant que « Les gens n’ont jamais été aussi curieux que maintenant »
Frank Rosenthal expert en marketing du commerce
Source : LSA