C’est en agissant sur les principaux points de Friction (les irritants) que Regis Schultz cherche à améliorer le parcours d’achat « instore » et ainsi contrer AMAZON sur l’alimentaire. File d’attente, liste de course et rupture de stock sont les 3 axes de travail retenus par les équipes de Monoprix. Le raisonnement est pertinent car il est « mobile first » pour se caler sur les usages des consommateurs et rattraper le retard des distributeurs sur les pure players sur ce segment.
Déploiement de Monop’Easy, rapprochement avec Ocado, prise de participation dans Epicery… Depuis quelques mois, Monoprix multiplie les annonces. Rencontré à l’occasion du NRF 2018, Régis Schultz, président de Monoprix, expose la stratégie digitale de l’enseigne. Et revient sur ce qui distingue le retail alimentaire d’Amazon.
Début décembre 2017, l’enseigne de proximité a ainsi annoncé avoir investi dans la start-up Epicery. Mais surtout, via le groupe Casino, elle s’est rapprochée fin novembre d’Ocado, le spécialiste britannique de l’automatisation dans le e-commerce alimentaire : « Avec Ocado, on s’achète 15 ans d’erreurs et 15 ans d’expérience sur l’alimentaire en ligne« , indique-t-il. 15 ans d’expérience que Monoprix compte mettre en application en moins de deux ans. Avec deux objectifs : « Maximiser le plaisir du client et minimiser les contraintes« . En ligne comme en magasin.
Pour cela, Monoprix s’attaque à trois irritants majeurs : la liste de courses, le passage en caisse et la disponibilité produits.
Toute la logique adaptée d’Amazon pour l’alimentaire ne fonctionne pas.
L’IA, le chabot et la voix pour simplifier la liste de courses
Fin novembre 2017, le Groupe Casino a annoncé son rapprochement avec le Britannique Ocado, le roi de l’automatisation dans le e-commerce alimentaire. Monoprix est la première enseigne à adopter la plateforme. « On a 18 mois. Cela va se faire en trois étapes« , annonce Régis Schultz à L’Usine Digitale.
Ensuite, « il y aura toute la partie de réinvention du modèle de livraison à domicile ».
Pour améliorer ce parcours d’achat et lever cette contrainte de la liste de courses, Monoprix s’appuie sur les nouvelles technologies. « L’intelligence artificielle et le chatbot nous servent énormément », avoue le président de Monoprix. Et d’ajouter : « La voix nous aide aussi pour aider le client à faire sa liste de courses« . Pour cela, l’enseigne a notamment lancé Google Home. « Il suffit de dire ‘beurre’, pour que le client se voit proposer la marque de beurre et le format qu’il a l’habitude de consommer. En plus, c’est pour toute la famille. Lorsque les enfants arrivent et qu’il n’y a plus de Nutella, hop, ils disent : ‘Nutella’. Et ça collecte les données« , précise-t-il.
En interne, le projet a été baptisé Post-it®. « C’est comme la liste que l’on met sur le frigo et que tout le monde remplit. Cela fait exactement la même chose, sauf qu’en plus, ça complète avec ce que vous avez déjà acheté et ce qu’il vous manque. On peut même vous faire votre parcours électronique si vous allez en magasin« , détaille Régis Schultz à L’Usine Digitale. L’outil intègre également les recettes et, par un système d’algorithme, génère la liste des ingrédients nécessaires couplée aux précédents d’achat. « On peut même passer sa liste depuis la voiture« , ajoute-t-il.
Reste à faire ancrer ce type d’usage dans le quotidien des Français. Car à ce jour, l’utilisation de Google Home est balbutiante et les résultats sont encore mitigés : « Cela dépend des déploiements de l’assistant : on a une base de clients qui grossit mais doucettement« , avoue-t-il.
Vers la fin du passage en caisse
Au-delà de la gestion de la liste de courses, Monoprix innove également en magasin. Principal objectif : réduire l’attente en caisse, autre irritant majeur. « Faire la queue en caisse, c’est insupportable, exprime Régis Schultz. Et pourtant : « Globalement, on investit à peu près 5 à 6% de notre chiffre d’affaires pour ennuyer le client. Pour mettre des caisses et pour qu’ils paient. Tous les jours, on lui demande sa carte bleue et tous les jours, on lui demande son code (…) Le client, il va une fois sur Amazon et le lendemain, il n’a plus rien à donner. Sur un certain nombre de choses, on est complètement has-been », observe le président de Monoprix.
Globalement, on investit à peu près 5 à 6% de notre chiffre d’affaires pour ennuyer le client.
Pour cela, l’enseigne a trouvé un début de réponse : Monop’Easy. Une fois l’appli téléchargée et les coordonnées de sa carte bancaire enregistrées, la solution permet au client de faire du self-scanning des produits directement avec son smartphone et de payer sans passer en caisse : le ticket lui est envoyé par e-mail. Un début de réponse à Amazon Go, le magasin 100 % automatisé ouvert par la firme de Jeff Bezos à Seattle.
Lancée fin septembre 2017, la solution est actuellement proposée dans trois magasins parisiens : Madeleine, Châtelet-Les Halles et Parly 2. Côté usage, « on voit que les clients qui l’adoptent continuent à l’adopter. La difficulté, c’est le recrutement« , indique Régis Schultz. « On a deux freins : les gens ont l’impression de voler. On les a tellement habitués à des contraintes sur le paiement qu’ils trouvent cela trop simple. Le deuxième, c’est le chargement de l’application« . Des freins que l’enseigne compte bien lever.
Assurer la disponibilité produit
« Le retail, c’est le prix, le choix, le service. L’Internet a changé complètement ces trois éléments« , constate Régis Schultz. « Avant la domination des hypermarchés se faisait par le choix et la taille, le e-commerce a bouleversé cela : Le plus grand choix n’est plus simplement physique, il est en ligne, sur le plus grand magasin du monde. En France, le prix était local, aujourd’hui il est transparent. (…) Sur la partie service, en hyper, le client fait tout. Maintenant, il clique et ensuite on lui livre. Ce qu’il attend aujourd’hui, c’est la livraison en une heure.«
Troisième principal irritant : la disponibilité produit. « Sur ce point, l’intelligence artificielle sur les systèmes de replenishment (réapprovisionnement, ndlr) est un véritable outil« . Coté magasin, plutôt que des robots qui scannent les allées comme chez Walmart, Régis Schlultz croit « plus aux étiquettes électroniques. (…) Car pour déployer ce type de robots, il faut des allées standardisées. Moi, j’ai des magasins qui ne sont pas uniformes. C’est compliqué. Le parc de magasins est trop hétérogène« . En revanche, la robotisation en entrepôt n’est plus une option : « Notre entrepôt complètement automatisé : c’est une ruche avec des robots en haut », explique-t-il. Et le rapprochement avec Ocado ne devrait qu’améliorer cette partie.
Innover avec les start-up
Pour ne pas perdre de temps, Monoprix mise sur l’open innovation. « On a bien sûr une équipe mais ça va beaucoup plus vite avec les start-up« , assure Régis Schultz. Pour Google Home, l’enseigne a ainsi collaboré avec l’agence Artefact, spécialiste de la data et de l’intelligence artificielle. Même chose pour Monop’Easy, avec la jeune pousse Snapp’ qui a développé l’application. « A nous de générer des idées, mais c’est plus agile et ça génère moins de contrainte« .
2018 devrait donc marquer un virage dans la transformation de Monoprix. « Nous allons avancer avec Ocado et l’évolution du site Monoprix.fr. Nous allons déployer Monop’Easy sur tous nos magasins. Cela fait pas mal de choses« , conclut Régis Schultz.